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ï»żCharles Baudelaire Petits PoĂšmes en prose XV LE GĂTEAU Je voyageais. Le paysage au milieu duquel jâĂ©tais placĂ© Ă©tait dâune grandeur et dâune noblesse irrĂ©sistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon Ăąme. Mes pensĂ©es voltigeaient avec une lĂ©gĂšretĂ© Ă©gale Ă celle de lâatmosphĂšre ; les passions vulgaires, telles que la haine et lâamour profane, mâapparaissaient maintenant aussi Ă©loignĂ©es que les nuĂ©es qui dĂ©filaient au fond des abĂźmes sous mes pieds ; mon Ăąme me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont jâĂ©tais enveloppĂ© ; le souvenir des choses terrestres nâarrivait Ă mon cĆur quâaffaibli et diminuĂ©, comme le son de la clochette des bestiaux imperceptibles qui paissaient loin, bien loin, sur le versant dâune autre montagne. Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur, passait quelquefois lâombre dâun nuage, comme le reflet du manteau dâun gĂ©ant aĂ©rien volant Ă travers le ciel. Et je me souviens que cette sensation solennelle et rare, causĂ©e par un grand mouvement parfaitement silencieux, me remplissait dâune joie mĂȘlĂ©e de peur. Bref, je me sentais, grĂące Ă lâenthousiasmante beautĂ© dont jâĂ©tais environnĂ©, en parfaite paix avec moi-mĂȘme et avec lâunivers ; je crois mĂȘme que, dans ma parfaite bĂ©atitude et dans mon total oubli de tout le mal terrestre, jâen Ă©tais venu Ă ne plus trouver si ridicules les journaux qui prĂ©tendent que lâhomme est nĂ© bon ; â quand la matiĂšre incurable renouvelant ses exigences, je songeai Ă rĂ©parer la fatigue et Ă soulager lâappĂ©tit causĂ©s par une si longue ascension. Je tirai de ma poche un gros morceau de pain, une tasse de cuir et un flacon dâun certain Ă©lixir que les pharmaciens vendaient dans ce temps-lĂ aux touristes pour le mĂȘler dans lâoccasion avec de lâeau de neige. Je dĂ©coupais tranquillement mon pain, quand un bruit trĂšs-lĂ©ger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait un petit ĂȘtre dĂ©guenillĂ©, noir, Ă©bouriffĂ©, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dĂ©voraient le morceau de pain. Et je lâentendis soupirer, dâune voix basse et rauque, le mot gĂąteau !ne pus Je mâempĂȘcher de rire en entendant lâappellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et jâen coupai pour lui une belle tranche que je lui offris. Lentement il se rapprocha, ne quittant pas des yeux lâobjet de sa convoitise ; puis, happant le morceau avec sa main, se recula vivement, comme sâil eĂ»t craint que mon offre ne fĂ»t pas sincĂšre ou que je mâen repentisse dĂ©jĂ . Mais au mĂȘme instant il fut culbutĂ© par un autre petit sauvage, sorti je ne sais dâoĂč, et si parfaitement semblable au premier quâon aurait pu le prendre pour son frĂšre jumeau. Ensemble ils roulĂšrent sur le sol, se disputant la prĂ©cieuse proie, aucun nâen voulant sans doute sacrifier la moitiĂ© pour son frĂšre. Le premier, exaspĂ©rĂ©, empoigna le second par les cheveux ; celui-ci lui saisit lâoreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois. Le lĂ©gitime propriĂ©taire du gĂąteau essaya dâenfoncer ses petites griffes dans les yeux de lâusurpateur ; Ă son tour celui-ci appliqua toutes ses forces Ă Ă©trangler son adversaire dâune main, pendant que de lâautre il tĂąchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais, ravivĂ© par le dĂ©sespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre dâun coup de tĂȘte dans lâestomac. Ă quoi bon dĂ©crire une lutte hideuse qui dura en vĂ©ritĂ© plus longtemps que leurs forces enfantines ne semblaient le promettre ? Le gĂąteau voyageait de main en main et changeait de poche Ă chaque instant ; mais, hĂ©las ! il changeait aussi de volume ; et lorsque enfin, extĂ©nuĂ©s, haletants, sanglants, ils sâarrĂȘtĂšrent par impossibilitĂ© de continuer, il nây avait plus, Ă vrai dire, aucun sujet de bataille ; le morceau de pain avait disparu, et il Ă©tait Ă©parpillĂ© en miettes semblables aux grains de sable auxquels il Ă©tait mĂȘlĂ©. Ce spectacle mâavait embrumĂ© le paysage, et la joie calme oĂč sâĂ©baudissait mon Ăąme avant dâavoir vu ces petits hommes avait totalement disparu ; jâen restai triste assez longtemps, me rĂ©pĂ©tant sans cesse Il y a donc un pays superbe oĂč le pain sâappelle dugĂąteau,si rare quâelle suffit pour engendrer une guerre friandise parfaitement fratricide ! »
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LeGĂąteau; Charles Baudelaire (1821-1866) Recueil : Le Spleen de Paris (Posthume - 1869) Le Vieux Saltimbanque. Partout sâĂ©talait, se rĂ©pandait, sâĂ©baudissait le peuple en vacances. CâĂ©tait une de ces solennitĂ©s sur lesquelles, pendant un long temps, comptent les saltimbanques, les faiseurs de tours, les montreurs dâanimaux et les boutiquiers ambulants, pour compenser les
Hier, Ă travers la foule du boulevard, je me sentis frĂŽlĂ© par un Ătre mystĂ©rieux que jâavais toujours dĂ©sirĂ© connaĂźtre, et que je reconnus tout de suite, quoique je ne lâeusse jamais vu. Il y avait sans doute chez lui, relativement Ă moi, un dĂ©sir analogue, car il me fit, en passant, un clignement dâĆil significatif auquel je me hĂątai dâobĂ©ir. Je le suivis attentivement, et bientĂŽt je descendis derriĂšre lui dans une demeure souterraine, Ă©blouissante, oĂč Ă©clatait un luxe dont aucune des habitations supĂ©rieures de Paris ne pourrait fournir un exemple approchant. Il me parut singulier que jâeusse pu passer si souvent Ă cĂŽtĂ© de ce prestigieux repaire sans en deviner lâentrĂ©e. LĂ rĂ©gnait une atmosphĂšre exquise, quoique capiteuse, qui faisait oublier presque instantanĂ©ment toutes les fastidieuses horreurs de la vie ; on y respirait une bĂ©atitude sombre, analogue Ă celle que durent Ă©prouver les mangeurs de lotus quand, dĂ©barquant dans une Ăźle enchantĂ©e, Ă©clairĂ©e des lueurs dâune Ă©ternelle aprĂšs-midi, ils sentirent naĂźtre en eux, aux sons assoupissants des mĂ©lodieuses cascades, le dĂ©sir de ne jamais revoir leurs pĂ©nates, leurs femmes, leurs enfants, et de ne jamais remonter sur les hautes lames de la mer. Il y avait lĂ des visages Ă©tranges dâhommes et de femmes, marquĂ©s dâune beautĂ© fatale, quâil me semblait avoir vus dĂ©jĂ Ă des Ă©poques et dans des pays dont il mâĂ©tait impossible de me souvenir exactement, et qui mâinspiraient plutĂŽt une sympathie fraternelle que cette crainte qui naĂźt ordinairement Ă lâaspect de lâinconnu. Si je voulais essayer de dĂ©finir dâune maniĂšre quelconque lâexpression singuliĂšre de leurs regards, je dirais que jamais je ne vis dâyeux brillant plus Ă©nergiquement de lâhorreur de lâennui et du dĂ©sir immortel de se sentir vivre. Mon hĂŽte et moi, nous Ă©tions dĂ©jĂ , en nous asseyant, de vieux et parfaits amis. Nous mangeĂąmes, nous bĂ»mes outre mesure de toutes sortes de vins extraordinaires, et, chose non moins extraordinaire, il me semblait, aprĂšs plusieurs heures, que je nâĂ©tais pas plus ivre que lui. Cependant le jeu, ce plaisir surhumain, avait coupĂ© Ă divers intervalles nos frĂ©quentes libations, et je dois dire que jâavais jouĂ© et perdu mon Ăąme, en partie liĂ©e, avec une insouciance et une lĂ©gĂšretĂ© hĂ©roĂŻques. LâĂąme est une chose si impalpable, si souvent inutile et quelquefois si gĂȘnante, que je nâĂ©prouvai, quant Ă cette perte, quâun peu moins dâĂ©motion que si jâavais Ă©garĂ©, dans une promenade, ma carte de visite. Nous fumĂąmes longuement quelques cigares dont la saveur et le parfum incomparables donnaient Ă lâĂąme la nostalgie de pays et de bonheurs inconnus, et, enivrĂ© de toutes ces dĂ©lices, jâosai, dans un accĂšs de familiaritĂ© qui ne parut pas lui dĂ©plaire, mâĂ©crier, en mâemparant dâune coupe pleine jusquâau bord Ă votre immortelle santĂ©, vieux Bouc ! » Nous causĂąmes aussi de lâunivers, de sa crĂ©ation et de sa future destruction ; de la grande idĂ©e du siĂšcle, câest-Ă -dire du progrĂšs et de la perfectibilitĂ©, et, en gĂ©nĂ©ral, de toutes les formes de lâinfatuation humaine. Sur ce sujet-lĂ , Son Altesse ne tarissait pas en plaisanteries lĂ©gĂšres et irrĂ©futables, et elle sâexprimait avec une suavitĂ© de diction et une tranquillitĂ© dans la drĂŽlerie que je nâai trouvĂ©es dans aucun des plus cĂ©lĂšbres causeurs de lâhumanitĂ©. Elle mâexpliqua lâabsurditĂ© des diffĂ©rentes philosophies qui avaient jusquâĂ prĂ©sent pris possession du cerveau humain, et daigna mĂȘme me faire confidence de quelques principes fondamentaux dont il ne me convient pas de partager les bĂ©nĂ©fices et la propriĂ©tĂ© avec qui que ce soit. Elle ne se plaignit en aucune façon de la mauvaise rĂ©putation dont elle jouit dans toutes les parties du monde, mâassura quâelle Ă©tait, elle-mĂȘme, la personne la plus intĂ©ressĂ©e Ă la destruction de la superstition, et mâavoua quâelle nâavait eu peur, relativement Ă son propre pouvoir, quâune seule fois, câĂ©tait le jour oĂč elle avait entendu un prĂ©dicateur, plus subtil que ses confrĂšres, sâĂ©crier en chaire Mes chers frĂšres, nâoubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrĂšs des lumiĂšres, que la plus belle des ruses du diable est de vous persuader quâil nâexiste pas ! » Le souvenir de ce cĂ©lĂšbre orateur nous conduisit naturellement vers le sujet des acadĂ©mies, et mon Ă©trange convive mâaffirma quâil ne dĂ©daignait pas, en beaucoup de cas, dâinspirer la plume, la parole et la conscience des pĂ©dagogues, et quâil assistait presque toujours en personne, quoique invisible, Ă toutes les sĂ©ances acadĂ©miques. EncouragĂ© par tant de bontĂ©s, je lui demandai des nouvelles de Dieu, et sâil lâavait vu rĂ©cemment. Il me rĂ©pondit, avec une insouciance nuancĂ©e dâune certaine tristesse Nous nous saluons quand nous nous rencontrons, mais comme deux vieux gentilshommes, en qui une politesse innĂ©e ne saurait Ă©teindre tout Ă fait le souvenir dâanciennes rancunes. » Il est douteux que Son Altesse ait jamais donnĂ© une si longue audience Ă un simple mortel, et je craignais dâabuser. Enfin, comme lâaube frissonnante blanchissait les vitres, ce cĂ©lĂšbre personnage, chantĂ© par tant de poĂ«tes et servi par tant de philosophes qui travaillent Ă sa gloire sans le savoir, me dit Je veux que vous gardiez de moi un bon souvenir, et vous prouver que Moi, dont on dit tant de mal, je suis quelquefois bon diable, pour me servir dâune de vos locutions vulgaires. Afin de compenser la perte irrĂ©mĂ©diable que vous avez faite de votre Ăąme, je vous donne lâenjeu que vous auriez gagnĂ© si le sort avait Ă©tĂ© pour vous, câest-Ă -dire la possibilitĂ© de soulager et de vaincre, pendant toute votre vie, cette bizarre affection de lâEnnui, qui est la source de toutes vos maladies et de tous vos misĂ©rables progrĂšs. Jamais un dĂ©sir ne sera formĂ© par vous, que je ne vous aide Ă le rĂ©aliser ; vous rĂ©gnerez sur vos vulgaires semblables ; vous serez fourni de flatteries et mĂȘme dâadorations ; lâargent, lâor, les diamants, les palais fĂ©eriques, viendront vous chercher et vous prieront de les accepter, sans que vous ayez fait un effort pour les gagner ; vous changerez de patrie et de contrĂ©e aussi souvent que votre fantaisie vous lâordonnera ; vous vous soĂ»lerez de voluptĂ©s, sans lassitude, dans des pays charmants oĂč il fait toujours chaud et oĂč les femmes sentent aussi bon que les fleurs, â et cĂŠtera, et cĂŠtera⊠», ajouta-t-il en se levant et en me congĂ©diant avec un bon sourire. Si ce nâeĂ»t Ă©tĂ© la crainte de mâhumilier devant une aussi grande assemblĂ©e, je serais volontiers tombĂ© aux pieds de ce joueur gĂ©nĂ©reux, pour le remercier de son inouĂŻe munificence. Mais peu Ă peu, aprĂšs que je lâeus quittĂ©, lâincurable dĂ©fiance rentra dans mon sein ; je nâosais plus croire Ă un si prodigieux bonheur, et, en me couchant, faisant encore ma priĂšre par un reste dâhabitude imbĂ©cile, je rĂ©pĂ©tais dans un demi-sommeil Mon Dieu ! Seigneur, mon Dieu ! faites que le diable me tienne sa parole ! »
Je voyageais. Le paysage au milieu duquel j'Ă©tais placĂ© Ă©tait d'une grandeur et d'une noblesse irrĂ©sistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon Ăąme. Mes pensĂ©es voltigeaient avec une lĂ©gĂšretĂ© Ă©gale Ă celle de l'atmosphĂšre ; les passions vulgaires, telles que la haine et l'amour profane, m'apparaissaient maintenant aussi Ă©loignĂ©es que les nuĂ©es qui dĂ©filaient au fond des abĂźmes sous mes pieds ; mon Ăąme me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j'Ă©tais enveloppĂ© ; le souvenir des choses terrestres n'arrivait Ă mon cĆur qu'affaibli et diminuĂ©, comme le son de la clochette des bestiaux imperceptibles qui paissaient loin, bien loin, sur le versant d'une autre montagne. Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur, passait quelquefois l'ombre d'un nuage, comme le reflet du manteau d'un gĂ©ant aĂ©rien volant Ă travers le ciel. Et je me souviens que cette sensation solennelle et rare, causĂ©e par un grand mouvement parfaitement silencieux, me remplissait d'une joie mĂȘlĂ©e de peur. Bref, je me sentais, grĂące Ă l'enthousiasmante beautĂ© dont j'Ă©tais environnĂ©, en parfaite paix avec moi-mĂȘme et avec l'univers ; je crois mĂȘme que, dans ma parfaite bĂ©atitude et dans mon total oubli de tout le mal terrestre, j'en Ă©tais venu Ă ne plus trouver si ridicules les journaux qui prĂ©tendent que l'homme est nĂ© bon ; â quand la matiĂšre incurable renouvelant ses exigences, je songeai Ă rĂ©parer la fatigue et Ă soulager l'appĂ©tit causĂ©s par une si longue ascension. Je tirai de ma poche un gros morceau de pain, une tasse de cuir et un flacon d'un certain Ă©lixir que les pharmaciens vendaient dans ce temps-lĂ aux touristes pour le mĂȘler dans l'occasion avec de l'eau de dĂ©coupais tranquillement mon pain, quand un bruit trĂšs-lĂ©ger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait un petit ĂȘtre dĂ©guenillĂ©, noir, Ă©bouriffĂ©, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dĂ©voraient le morceau de pain. Et je l'entendis soupirer, d'une voix basse et rauque, le mot gĂąteau ! Je ne pus m'empĂȘcher de rire en entendant l'appellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et j'en coupai pour lui une belle tranche que je lui offris. Lentement il se rapprocha, ne quittant pas des yeux l'objet de sa convoitise ; puis, happant le morceau avec sa main, se recula vivement, comme s'il eĂ»t craint que mon offre ne fĂ»t pas sincĂšre ou que je m'en repentisse au mĂȘme instant il fut culbutĂ© par un autre petit sauvage, sorti je ne sais d'oĂč, et si parfaitement semblable au premier qu'on aurait pu le prendre pour son frĂšre jumeau. Ensemble ils roulĂšrent sur le sol, se disputant la prĂ©cieuse proie, aucun n'en voulant sans doute sacrifier la moitiĂ© pour son frĂšre. Le premier, exaspĂ©rĂ©, empoigna le second par les cheveux ; celui-ci lui saisit l'oreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois. Le lĂ©gitime propriĂ©taire du gĂąteau essaya d'enfoncer ses petites griffes dans les yeux de l'usurpateur ; Ă son tour celui-ci appliqua toutes ses forces Ă Ă©trangler son adversaire d'une main, pendant que de l'autre il tĂąchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais, ravivĂ© par le dĂ©sespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre d'un coup de tĂȘte dans l'estomac. Ă quoi bon dĂ©crire une lutte hideuse qui dura en vĂ©ritĂ© plus longtemps que leurs forces enfantines ne semblaient le promettre ? Le gĂąteau voyageait de main en main et changeait de poche Ă chaque instant ; mais, hĂ©las ! il changeait aussi de volume ; et lorsque enfin, extĂ©nuĂ©s, haletants, sanglants, ils s'arrĂȘtĂšrent par impossibilitĂ© de continuer, il n'y avait plus, Ă vrai dire, aucun sujet de bataille ; le morceau de pain avait disparu, et il Ă©tait Ă©parpillĂ© en miettes semblables aux grains de sable auxquels il Ă©tait spectacle m'avait embrumĂ© le paysage, et la joie calme oĂč s'Ă©baudissait mon Ăąme avant d'avoir vu ces petits hommes avait totalement disparu ; j'en restai triste assez longtemps, me rĂ©pĂ©tant sans cesse Il y a donc un pays superbe oĂč le pain s'appelle du gĂąteau, friandise si rare qu'elle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide ! »
IIXV. Le GĂąteau..76 XVI. LâHorloge.. 84 XVII. Un HĂ©misphĂšre dans une chevelure ..88
Le poĂšme Je voyageais. Le paysage au milieu duquel j'Ă©tais placĂ© Ă©tait d'une grandeur et d'une noblesse irrĂ©sistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon Ăąme. Mes pensĂ©es voltigeaient avec une lĂ©gĂšretĂ© Ă©gale Ă celle de l'atmosphĂšre ; les passions vulgaires, telles que la haine et l'amour profane, m'apparaissaient maintenant aussi Ă©loignĂ©es que les nuĂ©es qui dĂ©filaient au fond des abĂźmes sous mes pieds ; mon Ăąme me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j'Ă©tais enveloppĂ© ; le souvenir des choses terrestres n'arrivait Ă mon coeur qu'affaibli et diminuĂ©, comme le son de la clochette des bestiaux imperceptibles qui paissaient loin, bien loin, sur le versant d'une autre montagne. Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur, passait quelquefois l'ombre d'un nuage, comme le reflet du manteau d'un gĂ©ant aĂ©rien volant Ă travers le ciel. Et je me souviens que cette sensation solennelle et rare, causĂ©e par un grand mouvement parfaitement silencieux, me remplissait d'une joie mĂȘlĂ©e de peur. Bref, je me sentais, grĂące Ă l'enthousiasmante beautĂ© dont j'Ă©tais environnĂ©, en parfaite paix avec moi-mĂȘme et avec l'univers ; je crois mĂȘme que, dans ma parfaite bĂ©atitude et dans mon total oubli de tout le mal terrestre, j'en Ă©tais venu Ă ne plus trouver si ridicules les journaux qui prĂ©tendent que l'homme est nĂ© bon ; â quand la matiĂšre incurable renouvelant ses exigences, je songeai Ă rĂ©parer la fatigue et Ă soulager l'appĂ©tit causĂ©s par une si longue ascension. Je tirai de ma poche un gros morceau de pain, une tasse de cuir et un flacon d'un certain Ă©lixir que les pharmaciens vendaient dans ce temps-lĂ aux touristes pour le mĂȘler dans l'occasion avec de l'eau de neige. Je dĂ©coupais tranquillement mon pain, quand un bruit trĂšs lĂ©ger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait un petit ĂȘtre dĂ©guenillĂ©, noir, Ă©bouriffĂ©, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dĂ©voraient le morceau de pain. Et je l'entendis soupirer, d'une voix basse et rauque, le mot gĂąteau ! Je ne pus m'empĂȘcher de rire en entendant l'appellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et j'en coupai pour lui une belle tranche que je lui offris. Lentement il se rapprocha, ne quittant pas des yeux l'objet de sa convoitise ; puis, happant le morceau avec sa main, se recula vivement, comme s'il eĂ»t craint que mon offre ne fĂ»t pas sincĂšre ou que je m'en repentisse dĂ©jĂ . Mais au mĂȘme instant il fut culbutĂ© par un autre petit sauvage, sorti je ne sais d'oĂč, et si parfaitement semblable au premier qu'on aurait pu le prendre pour son frĂšre jumeau. Ensemble ils roulĂšrent sur le sol, se disputant la prĂ©cieuse proie, aucun n'en voulant sans doute sacrifier la moitiĂ© pour son frĂšre. Le premier, exaspĂ©rĂ©, empoigna le second par les cheveux ; celui-ci lui saisit l'oreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois. Le lĂ©gitime propriĂ©taire du gĂąteau essaya d'enfoncer ses petites griffes dans les yeux de l'usurpateur ; Ă son tour celui-ci appliqua toutes ses forces Ă Ă©trangler son adversaire d'une main, pendant que de l'autre il tĂąchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais, ravivĂ© par le dĂ©sespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre d'un coup de tĂȘte dans l'estomac. A quoi bon dĂ©crire une lutte hideuse qui dura en vĂ©ritĂ© plus longtemps que leurs forces enfantines ne semblaient le promettre ? Le gĂąteau voyageait de main en main et changeait de poche Ă chaque instant ; mais, hĂ©las ! il changeait aussi de volume ; et lorsque enfin, extĂ©nuĂ©s, haletants, sanglants, ils s'arrĂȘtĂšrent par impossibilitĂ© de continuer, il n'y avait plus, Ă vrai dire, aucun sujet de bataille ; le morceau de pain avait disparu, et il Ă©tait Ă©parpillĂ© en miettes semblables aux grains de sable auxquels il Ă©tait mĂȘlĂ©. Ce spectacle m'avait embrumĂ© le paysage, et la joie calme oĂč s'Ă©baudissait mon Ăąme avant d'avoir vu ces petits hommes avait totalement disparu ; j'en restai triste assez longtemps, me rĂ©pĂ©tant sans cesse Il y a donc un pays superbe oĂč le pain s'appelle du gĂąteau, friandise si rare qu'elle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide ! » Baudelaire Ă©tait un artiste surprenant, Ă la vie tourmentĂ©e et Ă la plume subtile ! source L'Express Les meilleurs professeurs de Français disponibles4,9 70 avis 1er cours offert !5 85 avis 1er cours offert !4,9 117 avis 1er cours offert !5 39 avis 1er cours offert !4,9 56 avis 1er cours offert !5 38 avis 1er cours offert !4,9 17 avis 1er cours offert !5 111 avis 1er cours offert !4,9 70 avis 1er cours offert !5 85 avis 1er cours offert !4,9 117 avis 1er cours offert !5 39 avis 1er cours offert !4,9 56 avis 1er cours offert !5 38 avis 1er cours offert !4,9 17 avis 1er cours offert !5 111 avis 1er cours offert !C'est parti Avant la lecture Il faut Ă©tudier le paratexte, c'est-Ă -dire le titre, l'auteur, la date, etc. Ces informations doivent ĂȘtre recoupĂ©es avec vos connaissances Ă©manant du cours courant littĂ©raire, poĂšte, recueil, etc.. Le titre engage Ă©galement Ă des attentes. Il donne des indices sur la nature du poĂšme que le lecteur s'apprĂȘte Ă lire. En poĂ©sie, la forme est dĂ©cisive regarder le texte de loin » permet d'avoir dĂ©jĂ une idĂ©e de la dĂ©marche du poĂšte Vers, strophes ? Si vers vers rĂ©guliers, vers libres ? Si vers rĂ©guliers quel type de rimes ? Le nombre de strophes... Pour la lecture Nous vous conseillons de lire le poĂšme plusieurs fois, avec un stylo Ă la main qui vous permettra de noter ou souligner une dĂ©couverte, une idĂ©e. 1Ăšre lecture Identifier le thĂšme gĂ©nĂ©ral du poĂšme, Identifier le registre comique ? pathĂ©tique ? lyrique ? etc., Identifier les procĂ©dĂ©s d'Ă©criture pour diffuser le sentiment du registre choisi l'exclamation ? La diĂ©rĂšse ? etc. 2Ăšme lecture DĂ©gager le champ lexical, Place des mots un mot au dĂ©but du vers n'a pas la mĂȘme valeur qu'un mot placĂ© en fin de vers, DĂ©celer les figures de style gĂ©nĂ©ralement trĂšs nombreuses dans un poĂšme, Travail sur les rimes lien entre des mots qui riment, rimes riches ou faibles, etc., Analyse du rythme avec les rĂšgles de mĂ©triques. En filigrane, vous devez garder cette question en tĂȘte pour l'analyse des procĂ©dĂ©s d'Ă©criture comment le poĂšte diffuse-t-il son thĂšme gĂ©nĂ©ral et comment fait-il ressentir au lecteur ses Ă©motions ? PrĂȘt pour un cours francais ? RĂ©daction du commentaire Partie du commentaireVisĂ©eInformations indispensablesĂcueils Ă Ă©viter Introduction- PrĂ©senter et situer le poĂšte dans l'histoire de la littĂ©rature - PrĂ©senter et situer le poĂšme dans le recueil - PrĂ©senter le projet de lecture = annonce de la problĂ©matique - PrĂ©senter le plan gĂ©nĂ©ralement, deux axes- Renseignements brefs sur l'auteur - Localisation poĂšme dans le recueil dĂ©but ? Milieu ? Fin ? Quelle partie du recueil ? - ProblĂ©matique En quoi⊠? Dans quelle mesure⊠? - Les axes de rĂ©flexions- Ne pas problĂ©matiser - Utiliser des formules trop lourdes pour la prĂ©sentation de l'auteur DĂ©veloppement- Expliquer le poĂšme le plus exhaustivement possible - Argumenter pour justifier ses interprĂ©tations le commentaire composĂ© est un texte argumentatif - Etude de la forme champs lexicaux, figures de styles, rimes, mĂ©trique, etc. - Etude du fond ne jamais perdre de vue le fond - Les transitions entre chaque idĂ©e/partie- Construire le plan sur l'opposition fond/forme chacune des parties doit contenir des deux - Suivre le dĂ©roulement du poĂšme, raconter l'histoire, paraphraser - Ne pas commenter les citations utilisĂ©es Conclusion- Dresser le bilan - Exprimer clairement ses conclusions - Elargir ses rĂ©flexions par une ouverture lien avec un autre poĂšme, un autre poĂšte ? etc.- Les conclusions de l'argumentation- RĂ©pĂ©ter simplement ce qui a prĂ©cĂ©dĂ© Ici, nous dĂ©taillerons par l'italique les diffĂ©rents moments du dĂ©veloppement, mais ils ne sont normalement pas Ă signaler. De mĂȘme, il ne doit pas figurer de tableaux dans votre commentaire composĂ©. Les listes Ă puces sont Ă©galement Ă Ă©viter, tout spĂ©cialement pour l'annonce du plan. En outre, votre commentaire ne doit pas ĂȘtre aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'ĂȘtre exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'Ă©crire autant ! Introduction Au XIXĂšme siĂšcle, Charles Baudelaire innove avec le poĂšme en prose. Il ne fut certes pas le premier Ă s'y essayer c'est en lisant le recueil Gaspard de la Nuit d'Aloysius Bertrand qu'il dĂ©cide de s'y atteler. Mais Le Spleen de Paris, qui rassemble ses Ă©crits en prose et qui fut publiĂ© en 1869 aprĂšs sa mort, contribua Ă lĂ©gitimer le genre comme une vĂ©ritable poĂ©sie. Le GĂąteau » est extrait de ce recueil oĂč il prend la quinziĂšme place. Il se prĂ©sente comme une petite histoire le poĂšte raconte une scĂšne Ă laquelle il a assistĂ©, et de laquelle il tire une morale. Ă cause d'un simple morceau de pain, deux enfants pauvres se battent violemment devant les yeux d'un Charles Baudelaire dĂ©solĂ©. Annonce de la problĂ©matique DĂšs lors, quelle leçon sur l'Homme le poĂšte tire-t-il de son expĂ©rience ? Annonce du plan Nous analyserons dans un premier temps le mouvement d'ascension Ă la fois physique et spirituel que le poĂšte savoure. Nous montrerons ensuite que ce mouvement n'Ă©tait ascendant que pour mieux prĂ©parer la chute. DĂ©veloppement L'ascension Paul CĂ©zanne, La Montagne Sainte-Victoire vue de Bellevue, 1885 La premiĂšre partie du poĂšme est marquĂ©e par le mouvement d'une ascension. RacontĂ© au passĂ©, le poĂšte semble se remĂ©morer une marche en montagne la splendeur du paysage le conduit Ă l'Ă©lĂ©vation spirituelle. Un paysage magnifique DĂšs la deuxiĂšme phrase, le poĂšte plante le dĂ©cor de son poĂšme Le paysage au milieu duquel j'Ă©tais placĂ© Ă©tait d'une grandeur et d'une noblesse irrĂ©sistibles. L'adjectif irrĂ©sistibles » tĂ©moigne de la situation du randonneur il ne peut pas faire autrement que de cĂ©der Ă la grandeur » et Ă la noblesse » du paysage, petit homme qu'il est est. Ses descriptions sont remplies de formules hyperboliques Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur » l'ombre d'un nuage, comme le reflet du manteau d'un gĂ©ant aĂ©rien volant Ă travers le ciel. » les nuĂ©es qui dĂ©filaient au fond des abĂźmes sous mes pieds » Par ailleurs, la deuxiĂšme citation contient Ă©galement une comparaison comme le reflet ... » qui ajoute Ă l'impression de grandeur. En effet, quoi de plus grand qu'un gĂ©ant ? On trouve Ă©videmment le champ lexical de la perfection au moment d'analyser la maniĂšre dont est dĂ©crite cette montagne grandeur », noblesse », vaste », pure », enthousiasmante beautĂ© », parfaite ». C'est que ce paysage gigantesque semble se rapprocher du concept du philosophe allemand Emmanuel Kant, le sublime. Il s'agit d'une vision si grandiose, si parfaite, qu'elle inspire une joie terrifiante Ă celui qui l'expĂ©rimente. Or, le poĂšte lui-mĂȘme utilise la formule joie mĂȘlĂ©e de peur ». Le sentiment du sublime permet Ă©galement de faire sentir Ă l'Homme sa destinĂ©e spirituelle c'est-Ă -dire qu'il serait destinĂ©e Ă une vie purement spirituelle, Ă©tant libĂ©rĂ© de son corps. Or, le poĂšte ne cache pas qu'il se trouve tout en haut, au-dessus de l'humanitĂ© et du monde physique. Rappelons en effet l'hyperbole les nuĂ©es qui dĂ©filaient au fond des abĂźmes sous mes pieds ». Transition Toutes ces formules insistent de fait sur l'oubli des rĂ©alitĂ©s terrestres permis par l'ascension de la montagne. Petit Ă petit, le poĂšte devient un ĂȘtre pur, lavĂ© des pĂ©chĂ©s physiques du monde. L'Ă©cho spirituel Ainsi, parallĂšlement Ă l'ascension, le poĂšte vit une purification de son Ăąme. C'est le poĂšte qui fait lui-mĂȘme le parallĂšle Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon Ăąme. » Ă cette faveur, il peut oublier le mal terrestre ». Il devient un ĂȘtre parfaitement spirituel Mes pensĂ©es voltigeaient avec une lĂ©gĂšretĂ© Ă©gale Ă celle de l'atmosphĂšre ». Cela lui permet d'effacer le quotidien et la bassesse matĂ©rielle les passions vulgaires, telles que la haine et l'amour profane, m'apparaissaient maintenant aussi Ă©loignĂ©es que les nuĂ©es qui dĂ©filaient au fond des abĂźmes sous mes pieds » FidĂšle Ă son entrĂ©e en matiĂšre, il use encore d'hyperboles pour dĂ©crire son Ă©tat mental mon Ăąme me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j'Ă©tais enveloppĂ© ». On remarque ici l'utilisation de l'adjectif pure », absolument pas anodin, de mĂȘme que le substantif coupole », qui renvoie Ă la coupole d'une Ăglise. Le poĂšte devient un dieu, puisque il est un Ă©lĂ©ment cĂ©leste = du ciel. D'autres formulations confirment ce mouvement d'Ă©lĂ©vation divine les hyperboles telles que en parfaite paix avec moi-mĂȘme et avec l'univers », total oubli de tout le mal terrestre » le lexique mĂ©lioratif mes pensĂ©es voltigeaient », j'Ă©tais enveloppĂ© », une sensation solennelle et rare » la vision positive du monde le souvenir des choses terrestres n'arrivait Ă mon coeur qu'affaibli et diminuĂ© » Ici, en haut des Hommes, il croit sentir la perfection de l'humanitĂ© â comme un Dieu devant sa crĂ©ature l'homme est nĂ© bon ». Ce passage invite Ă penser Ă la thĂšse du philosophe Jean-Jacques Rousseau, qu'il dĂ©fend dans le Discours sur l'InĂ©galitĂ© parmi les hommes. Selon cette thĂšse, l'Homme est nĂ© bon, et c'est la sociĂ©tĂ© qui le corrompt. Le poĂšte, au milieu d'une nature surĂ©levĂ©e, semble souscrire Ă ce point de vue, dans une rĂ©fĂ©rence presqu'explicite j'en Ă©tais venu Ă ne plus trouver si ridicules les journaux qui prĂ©tendent que l'homme est nĂ© bon Le Concile des dieux, fresque, 1515-1517, RaphaĂ«l, Rome, Villa Farnesina Transition Mais le retour d'une monde physique - c'est-Ă -dire l'abandon des choses purement spirituelles - est marquĂ© par l'arrivĂ©e du morceau de pain ». Le sentiment de faim rappelle au poĂšte sa nature bassement matĂ©rielle et l'oblige Ă retourner aux choses terrestres. Cette rupture est marquĂ©e formellement par le trait, signifiant la cĂ©sure dans sa pensĂ©e et le basculement dans la triste rĂ©alitĂ© â quand la matiĂšre incurable renouvelant ses exigences, je songeai Ă rĂ©parer la fatigue et Ă soulager l'appĂ©tit causĂ©s par une si longue ascension. La rĂ©alitĂ© de l'Homme L'arrivĂ©e du sentiment de faim impose au poĂšte un dur retour Ă la rĂ©alitĂ©. Elle se dĂ©compose en trois Ă©lĂ©ments, d'aprĂšs la suite du poĂšte une vie nĂ©cessairement matĂ©rielle c'est-Ă -dire physique, une existence marquĂ©e par la violence, et l'inutilitĂ© apparente de toute chose. Une vie matĂ©rielle La deuxiĂšme partie du poĂšme s'ouvre par une allitĂ©ration en /s/ une si longue ascension ». Cette allitĂ©ration accentue la fatigue, Ă travers l'idĂ©e d'une respiration qui siffle. Et cette respiration, c'est le rappel Ă la finitude = fait d'ĂȘtre mortel de l'Homme. La fin du premier paragraphe est alors marquĂ© par le vocabulaire du quotidien, de la normalitĂ©, contrastant avec les thĂ©matiques prĂ©cĂ©dentes gros morceau de pain », tasse de cuir », pharmaciens », vendaient », touriste ». C'est ainsi que toute la suite du poĂšme sera conduit par l'idĂ©e de matĂ©rialitĂ©, quand le dĂ©but se dĂ©ployait sous couvert de spiritualitĂ© dĂ©coupais », pain », gĂąteau », convoitise », ... L'arrivĂ©e du premier enfant fait dĂ©finitivement basculer la tonalitĂ© du poĂšme dans la nĂ©gativitĂ©. Le lexique insistera alors sur sa pauvretĂ© dĂ©guenillĂ© », sa maigreur yeux creux », son caractĂšre sauvage farouches », sa saletĂ© noir ». Cet aspect si repoussant de l'enfant contraste avec la splendeur du paysage, tout entier spirituel c'est l'aspect physique de l'Homme qui est repoussant. La violence de l'Homme Mais, outre sa laideur, l'Homme se caractĂ©rise aussi par sa violence. L'arrivĂ©e du second enfant le rappelle au poĂšte. Le deuxiĂšme paragraphe prĂ©parait l'avĂ©nement de cette idĂ©e. On y trouve en effet un champ lexical relatif Ă l'animalitĂ© dĂ©coupais », bruit » Ă©bouriffĂ© », farouches », dĂ©voraient », rauque », happant », vivement ». C'est ainsi qu'est prĂ©sentĂ© l'enfant qui dĂ©barque pour demander le gĂąteau » comme un ĂȘtre mi-homme, mi-animal, rendu ainsi par la faim qui tiraille ses entrailles. Pollice Verso Bas les pouces !, Jean-LĂ©on GĂ©rĂŽme, 1872 La vision s'empire donc avec l'arrivĂ©e du deuxiĂšme petit enfant, dĂ©crit comme un autre petit sauvage ». Le combat est conduit avec un vocabulaire propre Ă la bestialitĂ© et Ă l'horreur roulĂšrent », sol », proie », sacrifier », dents », sanglant », griffes », et caetera. Devant les yeux du poĂšte, les deux enfants deviennent ainsi des bĂȘtes, malgrĂ© leur fraternitĂ© supposĂ©e ils sont dans un mĂȘme Ă©tat de misĂšre et, plutĂŽt que de s'entraider, se battent jusqu'Ă faire couler leurs sangs. La faim, signe de la condition physique de l'Homme, les rend absolument dĂ©goĂ»tants. Ils sont Ă deux doigts de s'entretuer pour de vrai. L'inanitĂ© des choses Cela conduit le poĂšte Ă une triste conclusion, qui contraste tout Ă fait avec l'espoir nourri par l'ascension l'inanitĂ© = l'inutilitĂ© des choses humaines. Le triste combat auquel il a assistĂ© a Ă©tĂ© provoquĂ© par un pain, c'est-Ă -dire le plus simple des mets. Il devient pourtant, dans les yeux des enfants, un gĂąteau » mot qui donne son titre au poĂšme, et revĂȘt ainsi une importance plus grande. Cet objet ridicule est pourtant l'objet de toutes les convoitise[s] », et Baudelaire multiplie les expressions significatives suppliants », dĂ©vorait », honorer mon pain », ne quittant pas des yeux ». Ce petit pain de rien du tout provoque l'apparition du sang. C'est un premier motif de dĂ©sespoir. Mais il y a pire le sang a coulĂ© pour rien, puisque ce morceau de pain a disparu », perdu en miettes devenues des grains de sable » sur le sol. LittĂ©ralement, ce combat n'a servi Ă rien. La joie initiale du narrateur est alors gĂąchĂ©e Ce spectacle m'avait embrumĂ© le paysage », la joie oĂč s'Ă©baudissait mon Ăąme avant d'avoir vu ces petits hommes avait totalement disparu ». Ce triste spectacle l'invite Ă rendre une morale, faisant de son poĂšme l'Ă©quivalent d'un apologue Il y a donc un pays superbe oĂč le pain s'appelle du gĂąteau, friandise si rare qu'elle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide ! » La ponctuation expressive on note le point d'exclamation signifie l'intensitĂ© de l'Ă©motion du poĂšte il a perdu toutes les illusions fugaces qui Ă©taient les siennes au moment de son ascension. La chute est d'autant plus difficile qu'il Ă©tait montĂ© trĂšs haut, proche d'oublier les misĂšres terrestres de l'Homme. Mais l'arrivĂ©e des deux enfants, presque par surprise Mais au mĂȘme instant », lui rappelle durement la condition de l'Homme, privĂ©e de salut sur la Terre. Conclusion Baudelaire n'a pas souvent choisi l'enfance comme thĂšme d'inspiration. Pourtant, les enfants reprĂ©sentent supposĂ©ment la puretĂ©, et c'est ici ainsi qu'ils sont d'abord convoquĂ©s. Mais c'est pour mieux critiquer la bassesse de l'Homme. En effet, mĂȘmes ces ĂȘtres censĂ©s ĂȘtre innocents en viennent Ă s'entre-tuer pour un pain », devenu devant leurs yeux affamĂ©s un gĂąteau ». Par-lĂ , Baudelaire critique aussi l'horreur de la misĂšre, capable de corrompre le plus pur des ĂȘtres. Ouverture Il est en revanche frĂ©quent de voir Baudelaire porter un regard pessimiste sur la nature humaine. On pourra en chercher les traces dans un poĂšme comme L'Ăme du vin » par exemple.
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Pour les autres utilisations de ce mot ou de ce titre, voir Le GĂąteau. XV LE GĂTEAU Je voyageais. Le paysage au milieu duquel jâĂ©tais placĂ© Ă©tait dâune grandeur et dâune noblesse irrĂ©sistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon Ăąme. Mes pensĂ©es voltigeaient avec une lĂ©gĂšretĂ© Ă©gale Ă celle de lâatmosphĂšre ; les passions vulgaires, telles que la haine et lâamour profane, mâapparaissaient maintenant aussi Ă©loignĂ©es que les nuĂ©es qui dĂ©filaient au fond des abĂźmes sous mes pieds ; mon Ăąme me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont jâĂ©tais enveloppĂ© ; le souvenir des choses terrestres nâarrivait Ă mon cĆur quâaffaibli et diminuĂ©, comme le son de la clochette des bestiaux imperceptibles qui paissaient loin, bien loin, sur le versant dâune autre montagne. Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur, passait quelquefois lâombre dâun nuage, comme le reflet du manteau dâun gĂ©ant aĂ©rien volant Ă travers le ciel. Et je me souviens que cette sensation solennelle et rare, causĂ©e par un grand mouvement parfaitement silencieux, me remplissait dâune joie mĂȘlĂ©e de peur. Bref, je me sentais, grĂące Ă lâenthousiasmante beautĂ© dont jâĂ©tais environnĂ©, en parfaite paix avec moi-mĂȘme et avec lâunivers ; je crois mĂȘme que, dans ma parfaite bĂ©atitude et dans mon total oubli de tout le mal terrestre, jâen Ă©tais venu Ă ne plus trouver si ridicules les journaux qui prĂ©tendent que lâhomme est nĂ© bon ; â quand la matiĂšre incurable renouvelant ses exigences, je songeai Ă rĂ©parer la fatigue et Ă soulager lâappĂ©tit causĂ©s par une si longue ascension. Je tirai de ma poche un gros morceau de pain, une tasse de cuir et un flacon dâun certain Ă©lixir que les pharmaciens vendaient dans ce temps-lĂ aux touristes pour le mĂȘler dans lâoccasion avec de lâeau de neige. Je dĂ©coupais tranquillement mon pain, quand un bruit trĂšs-lĂ©ger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait un petit ĂȘtre dĂ©guenillĂ©, noir, Ă©bouriffĂ©, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dĂ©voraient le morceau de pain. Et je lâentendis soupirer, dâune voix basse et rauque, le mot gĂąteau ! Je ne pus mâempĂȘcher de rire en entendant lâappellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et jâen coupai pour lui une belle tranche que je lui offris. Lentement il se rapprocha, ne quittant pas des yeux lâobjet de sa convoitise ; puis, happant le morceau avec sa main, se recula vivement, comme sâil eĂ»t craint que mon offre ne fĂ»t pas sincĂšre ou que je mâen repentisse dĂ©jĂ . Mais au mĂȘme instant il fut culbutĂ© par un autre petit sauvage, sorti je ne sais dâoĂč, et si parfaitement semblable au premier quâon aurait pu le prendre pour son frĂšre jumeau. Ensemble ils roulĂšrent sur le sol, se disputant la prĂ©cieuse proie, aucun nâen voulant sans doute sacrifier la moitiĂ© pour son frĂšre. Le premier, exaspĂ©rĂ©, empoigna le second par les cheveux ; celui-ci lui saisit lâoreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois. Le lĂ©gitime propriĂ©taire du gĂąteau essaya dâenfoncer ses petites griffes dans les yeux de lâusurpateur ; Ă son tour celui-ci appliqua toutes ses forces Ă Ă©trangler son adversaire dâune main, pendant que de lâautre il tĂąchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais, ravivĂ© par le dĂ©sespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre dâun coup de tĂȘte dans lâestomac. Ă quoi bon dĂ©crire une lutte hideuse qui dura en vĂ©ritĂ© plus longtemps que leurs forces enfantines ne semblaient le promettre ? Le gĂąteau voyageait de main en main et changeait de poche Ă chaque instant ; mais, hĂ©las ! il changeait aussi de volume ; et lorsque enfin, extĂ©nuĂ©s, haletants, sanglants, ils sâarrĂȘtĂšrent par impossibilitĂ© de continuer, il nây avait plus, Ă vrai dire, aucun sujet de bataille ; le morceau de pain avait disparu, et il Ă©tait Ă©parpillĂ© en miettes semblables aux grains de sable auxquels il Ă©tait mĂȘlĂ©. Ce spectacle mâavait embrumĂ© le paysage, et la joie calme oĂč sâĂ©baudissait mon Ăąme avant dâavoir vu ces petits hommes avait totalement disparu ; jâen restai triste assez longtemps, me rĂ©pĂ©tant sans cesse Il y a donc un pays superbe oĂč le pain sâappelle du gĂąteau, friandise si rare quâelle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide ! »
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